Recherche

A) Intérêts de recherche

  • Violence conjugale
  • Femmes victimes de violence
  • Système de justice criminelle
  • Expérience juridique
  • Qualité des services
  • Mesure de la performance

B) Projet en cours

«Expérience juridique des femmes victimes de violence : vers un modèle de la qualité des services adapté à leurs besoins»                        *Financement: FRQSC Relève professorale 2024-2027

Au Canada, seulement 6% des cas d’agression sexuelle et 19% de violence conjugale sont dénoncés (Cotter, 2021; Conroy, 2021). Le manque de confiance envers le système judiciaire constitue l’une des principales raisons (Frenette et al., 2018; Gouvernement du Québec, 2020). Les craintes des personnes victimes sont multiples : ne pas être crues, ne pas être protégées adéquatement, être jugées selon des préjugés sexistes, aggraver leur état psychologique, que l’accusé soit innocenté ou obtienne une sentence clémente (Frenette et al., 2018). Cette méfiance provient autant d’expériences personnelles que de celles exposées dans les médias (Frenette et al., 2018; Gouvernement du Québec, 2020). En effet, plusieurs témoignages ont dévoilé les impacts dévastateurs que peut avoir le parcours judiciaire (voir notamment Gagnon, 2022). Cette profonde insatisfaction trouve écho dans les rares études ayant abordé l’expérience juridique des femmes victimes de violence (Frenette et al., 2018; Gouvernement du Québec, 2020; Conseil du statut de la femme, 2020; Boulebsol et al., 2022).

Au contraire, certaines survivantes affirment que le processus judiciaire constitue un pilier majeur de leur reconstruction (voir notamment Gagnon, 2021; Vermot-Desrochers, 2022). Libération de la parole, reprise de pouvoir, sentiment de justice et diminution des séquelles psychologiques sont parmi les bénéfices évoqués. Le dévouement et l’empathie des acteurs judiciaires (enquêteurs, procureurs et intervenants psychosociaux) furent marquants pour la reconstruction de ces survivantes (LCN, 2021; Lagacé, 2022).

Loin d’être contradictoires, les témoignages d’expériences négatives et positives renforcent un même constat : le caractère essentiel de l’accompagnement des personnes victimes durant leur parcours judiciaire (Frenette et al. 2018; Gouvernement du Québec, 2020; Conseil du statut de la femme, 2020, Boulebsol et al., 2022).

Au Québec, plusieurs initiatives gouvernementales visent à améliorer l’expérience juridique des femmes victimes de violence, notamment la mise en place d’un tribunal spécialisé en violence sexuelle et conjugale (Gouvernement du Québec, 2022). Cependant, un élément central reste à définir : en quoi consiste un accompagnement exceptionnel ? Bien que plusieurs études démontrent la nécessité d’améliorer l’accompagnement des personnes victimes, ces dernières ne proposent pas de définition de la qualité des services offerts. Encore moins d’outils pour évaluer la performance des acteurs judiciaires.

La raison est fort simple : aucun chercheur en marketing ne s’est intéressé à cet enjeu. En effet, les chercheurs proviennent plutôt des disciplines suivantes : victimologie, travail social, psychologie, droit et criminologie. Or, les notions de qualité de services, de mesure de la performance et d’expérience-client sont intrinsèques au marketing de services. L’essence même du marketing est de placer le client au cœur de ses préoccupations, afin de mieux adapter son offre à ses besoins (Zeithaml, Bitner et Gremler, 2018). Une perspective marketing est donc essentielle afin de relever le défi d’améliorer les services offerts aux femmes victimes de violence.

 Notre objectif principal est de développer un modèle de la qualité des services offerts dans le système de justice criminelle qui soit adapté aux besoins des femmes victimes de violence. Nous poursuivons deux objectifs :

  1. Déterminer les principales dimensions de la qualité des services offerts aux femmes victimes de violence dans le système de justice criminelle.
  2. Déterminer les principaux attributs qui composent chacune de ces dimensions.

 Cette étude adopte une démarche qualitative, exploratoire et inductive. 42 entrevues semi-dirigées seront réalisées, soit 21 avec des femmes victimes de violence (conjugale, à caractère sexuel et exploitation sexuelle) et 21 avec des acteurs judiciaires (enquêteurs, procureurs et intervenants psychosociaux). La diversité des participants permet d’impliquer tous les acteurs concernés par les services offerts aux personnes victimes dans une démarche de co-création des connaissances.

Des contributions théoriques, managériales et sociales sont attendues. Premièrement, cette étude est la première à aborder l’expérience juridique des femmes victimes de violence grâce à une perspective marketing. Les concepts théoriques propres au marketing apportent non seulement un nouvel éclairage, mais ouvrent aussi la voie à des avenues de recherche prometteuses pour affronter divers enjeux reliés à la violence faite aux femmes.

Deuxièmement, définir en quoi consiste un service de qualité permettra de mieux outiller les acteurs judiciaires. Développer des outils d’évaluation répond non seulement à un besoin du milieu juridique, mais permettra également aux personnes victimes de communiquer clairement leurs préférences et perceptions des services reçus durant leur parcours judiciaire.

Finalement, les résultats permettront d’améliorer les services offerts aux femmes victimes de violence, afin que leur expérience juridique devienne un pilier de leur reconstruction et non une source de victimisation supplémentaire. Cela est la clé pour rebâtir la confiance du public envers le système judiciaire.

 Bibliographie

Boulebsol, C., Cousineau, M. M., Deraiche, C., Fernet, M., Flynn, C., Genest, S., … & Maheu, J. (2022). Pratiques et recherches féministes en matière de violence conjugale: Coconstruction des connaissances et expertises. PUQ.

Conroy, S. (2021). La violence conjugale au Canada, 2019. Statistiques Canada. Document disponible à l’adresse suivante : https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2021001/article/00016-fra.pdf

Conseil du Statut de la femme. (2020). Les personnes victimes d’agressions sexuelles ou de violence conjugale face au système de justice pénale: état de situation. Disponible à l’adresse suivante : https://csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/Etu_violence_justice_20201007_vweb.pdf

Cotter, A. (2021). La victimisation criminelle au Canada, 2019. Statistiques Canada. Disponible à l’adresse suivante : https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/85-002-x/2021001/article/00014-fra.pdf?st=LdMFXBAp

 FRENETTE, Michèle, et al. (2018). Femmes victimes de violence et système de justice pénale : expériences, obstacles et pistes de solution, [en ligne], Montréal, Service aux collectivités de l’UQAM; RMFVVC; FMHF; RQCALACS; CLES, 104 p. Disponible à l’adresse suivante : https://sac.uqam.ca/upload/files/Rapport_femmes_violence_justice.pdf

Gagnon, K. (2022). Victime d’un violent proxénète : «Je cohabite encore avec lui chaque jour». La Presse. (publié 15 janvier 2022).

Gagnon, K. (2021). «Je n’ai plus peur». La Presse. (publié 19 juin 2021).

Gouvernement du Québec. (Décembre 2020). Rebâtir la confiance. Rapport du comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale. Disponible à l’adresse suivante : https://www.scf.gouv.qc.ca/fileadmin/Documents/Violences/Rapport-accompagnement-victimes-AG-VC.pdf

 Gouvernement du Québec. (Juin 2022). Stratégie gouvernementale intégrée pour contrer la violence sexuelle, la violence conjugale et Rebâtir la confiance 2022-2027. Disponible à l’adresse suivante : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/education/publications-adm/SCF/publications/plans-strategiques/Strategie-violence-sexuelle-2022-2027.pdf?1655750786

Lagacé, P. (2022). «La peur qu’il te tue, si tu pars». La Presse (publié le 23 mai 2022).

LCN. (2021). Entrevue avec Jean-François Guérin, émission Le Québec Matin (21 juin 2021).

Zeithaml, V.A., Bitner, M.J. and Gremler, D.D. (2018). Services marketing: Integrating Customer Focus Across the Firm (7th Ed). McGraw-Hill Education.

Professeure en marketing à l'Université du Québec à Chicoutimi