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Les chercheurs n’ont pas la tête dans les nuages

« Déconnectés de la réalité. » « Perchés dans une tour d’ivoire. » « Pelleteurs de nuages. » Les expressions qui qualifient l’image qu’ont certaines personnes des chercheurs sont tout aussi colorées que diversifiées. Vous savez quoi ? On est tous un peu chercheurs. Certains choisissent simplement d’en faire une profession qui, malgré les apparences, est bien stimulante.

Texte paru le 9 octobre 2020 dans Le Quotidien.
Par Stéphane Allaire

Regard sur l’éducation en sept minutes après sept mois de pandémie

NOTE: Ce texte reprend les principales idées d’une communication dans le cadre de l’activité spéciale organisée par le CTREQ le 7 octobre 2020.

J’aimerais d’abord remercier le CTREQ pour l’invitation. C’est un plaisir de participer à ce panel en compagnie des autres intervenants.

Mon propos va s’articuler en trois temps. D’abord, j’expliquerai trois points positifs résultant de la situation de pandémie. Ensuite, je vais présenter une lacune de notre système qui est mise en exergue par la crise sanitaire. Je conclurai en partageant un espoir.

Points positifs

Le premier point positif de la pandémie, c’est qu’on n’a jamais autant entendu parler de science et de recherche. Leur impact sur chacun de nous et sur le fonctionnement des sociétés est évident plus que jamais. Et ça concerne tout autant l’éducation que la santé. On comprend mieux les retombées de la recherche, mais aussi la nature de ce travail. Par exemple, on constate que même si on est dans l’urgence, une solution sérieuse à un problème complexe, ça prend du temps à trouver!

Il faut toutefois faire attention à l’association qu’on fait lorsqu’on parle d’impact concret de la science. Ça ne concerne pas que la recherche appliquée. Aujourd’hui, la solution à la pandémie dépend en grande partie de la recherche fondamentale. Malheureusement, on ne la reconnait pas toujours à sa pleine valeur.

Par exemple, saviez-vous que, sous prétexte que la H1N1 a peu touché l’Amérique du Nord, on a arrêté de financer des études en 2009 qui aujourd’hui auraient pu nous aider à comprendre plus rapidement des aspects de la COVID-19?

Même si les impacts de la recherche fondamentale sont souvent différés dans le temps, on réalise qu’elle a autant de pertinence et de nécessité que les autres formes de recherche.

Comme second point positif, je dirais que la pandémie a amené des parents à mieux comprendre toute l’exigence du travail des enseignants.

Rappelons-nous la difficile conciliation du télétravail et de la gestion des enfants à la maison lors du confinement prolongé au printemps. Il semble qu’un certain mouvement de reconnaissance implicite à l’égard des enseignants en ait découlée. Compte tenu de l’importance de la relation école-famille, cette prise de conscience me semble des plus positives.

Comme troisième point favorable découlant de la pandémie, je vais aborder la prise de conscience accrue quant à la pertinence de la mission de socialisation de l’école.

Rappelons-nous l’évolution du discours dans les médias le printemps passé. Au début, on craignait qu’il manque des apprentissages aux élèves. Ensuite, c’est l’annulation des examens qui a donné lieu à une crainte. Celle de l’incapacité de statuer sur le niveau de progression des élèves. Comme s’il n’y avait pas d’autres moyens d’y parvenir… Enfin, on a réalisé la solitude que les jeunes ont vécue. Une étude de collègues de l’UQO se penche d’ailleurs sur cette question actuellement.

Évidemment, les volets d’éducation et de qualification de la mission de l’école québécoise sont importants. La pandémie nous rappelle que la socialisation est aussi un aspect majeur dans le développement d’une personne.

Lacune

Je vais poursuivre en expliquant une lacune de notre système qui est mise en exergue par la pandémie. Une autre lacune que l’évidente et désolante accentuation des inégalités.

Je vais plutôt parler de l’organisation scolaire au secondaire. Une organisation statique, pour ne pas dire figée dans le temps. Une organisation qui offre peu de flexibilité dans la façon de dispenser l’enseignement. Par exemple en mode hybride. Pourtant, en implantant un enseignement hybride dès le début de l’année scolaire 2020-2021, on aurait pu offrir une nécessaire stabilité et prévisibilité aux élèves, tout en conservant un lien social et en diminuant les risques de propagation du virus via le milieu scolaire.

Comment se fait-il qu’on n’ait pas planifié un tel mode d’enseignement et qu’on doive maintenant y recourir comme pis-aller dans les zones rouges depuis quelques jours?

Je vais avancer deux pistes de réflexion à ce sujet. La première : la pandémie nous met devant notre difficulté collective à formaliser des innovations à l’ensemble du système. Parce que des initiatives et des modèles porteurs, il en existe au Québec. Il s’en développe depuis plus 20 ans. Malheureusement, on parvient trop peu à déployer ces initiatives de façon étendue et à les intégrer aux structures existantes pour qu’elles ne soient plus des à-côtés. Résultat : notre organisation scolaire statique les tolère, sans s’en inspirer pour se transformer plus en profondeur.

Une seconde piste d’explication réside dans le financement du numérique en éducation. La pandémie illustre que les investissements ont principalement ciblé la quincaillerie intramurale plutôt que le développement d’une capacité socionumérique collective.

Par capacité socionumérique, j’entends l’usage du numérique pour tisser et maintenir du lien social, de la collaboration, une relation pédagogique et des interactions à des fins d’apprentissage. Le numérique, c’est autre chose que des outils. C’est autre chose qu’un portail de sites Web. C’est une posture. C’est du relationnel qui peut dépasser les murs d’une classe. On y a trop peu porté attention et on en voit des limites importantes aujourd’hui par rapport à notre capacité à adapter l’organisation scolaire à la situation de crise.

Espoir

Je termine sur une note positive en y allant d’un espoir.

Dans la gestion de la pandémie, on consulte à peu près tous les spécialistes concernés. Virologues, psychologues, pédiatres… Nommez-les! On les consulte tous, sauf les enseignants. Pourtant, ce sont les personnes qui sont en première ligne dans les classes.

Ce n’est pas d’hier que les enseignants ont l’impression qu’on considère peu la réalité de leur pratique. Mais ce sentiment semble atteindre un point de rupture pendant la pandémie. C’est désolant. Mais il y a un quand même un espoir. Une nouvelle voix s’élève pour les enseignants.

Un enseignant au secondaire de la région de Québec est en train de mettre sur pied une association pour faire valoir la perspective spécifique des enseignants. Cette initiative, qui est portée par et pour les enseignants, est rafraichissante. J’espère qu’elle réussira à rassembler le plus de gens possible. Si ça vous intéresse, vous pouvez suivre les publications de Sylvain Dancause, le porteur de l’initiative.

Je m’arrête ici. Merci de votre attention. Il me fera plaisir de recevoir vos commentaires et de répondre à vos questions.

Protéger les participants à la recherche pour se préserver

Comités d’éthique de la recherche avec des êtres humains: protéger les participants pour se préserver

Abordons le sujet sans détour : les comités d’éthique de la recherche avec des êtres humains (CER) sont souvent perçus comme une visite chez le dentiste : un mal nécessaire, un passage obligé. Les chercheurs les plus incisifs vont jusqu’à les qualifier de police mandatée pour ralentir la conduite sur l’Autobahn de la recherche et de la création. Voire de repaire de chercheurs aigris. Ces clichés traduisent davantage une insatisfaction à l’égard de ce qui a parfois des allures de bureaucratie de l’éthique que par rapport à la mission des CER. Cette responsabilité dépasse la seule protection des participants à un projet de recherche. Sans en minimiser l’importance.

Les productions qui découlent de l’écosystème de la recherche universitaire tiennent leur notoriété historique d’une autorégulation collégiale. Cette dernière se fonde sur des principes tels la neutralité, la réfutabilité, l’amélioration perpétuelle des idées et la mise à plat des méthodes de travail. Ces principes sont au cœur du répertoire partagé de la communauté scientifique et ils guident le dialogue entre ses membres, que ce soit au niveau local ou élargi.

Les CER sont un maillon crucial de cet écosystème. Et pas une entité dépareillée appartenant à une activité humaine parallèle. Certes, les CER possèdent un mandat distinctif. Celui d’authentifier que les chercheurs répondent aux trois principes directeurs que sont le respect des personnes, la préoccupation pour le bien-être et la justice. Néanmoins, et à l’instar des comités d’évaluation de demandes de subventions et d’articles, les CER contribuent ultimement à la production d’une recherche de qualité et à la préservation de la réputation de rigueur qui caractérise cette activité. Ils souhaitent une riche production, dans les meilleurs délais respectant la perspective qui leur est propre. Les membres d’un CER ne sont donc pas des justiciers mais bien des promoteurs de la recherche investis d’un rôle précis au sein de l’écosystème.

L’éthique de la recherche existait avant les CER. Nier cela, ce serait mettre en doute la bienveillance de plusieurs générations de chercheurs et compromettre la portée d’un vaste corpus scientifique. Cela dit, la place que la science occupe dans la société – qu’il s’agisse de sa diffusion accrue auprès du grand public ou de l’essor de la science participative – est susceptible d’engendrer de nouveaux questionnements et une critique plus affutée de la part de monsieur et madame Tout-le-Monde. En particulier dans une ère où les médias sociaux sont omniprésents, où la compétition entre les faits scientifiques et les opinions déguisées en faits alternatifs est féroce. Dans un tel contexte complexe, le sceau apposé sur un projet par un CER est aussi une mesure préventive de reconnaissance de la qualité du travail des chercheurs et des étudiants-chercheurs. Le chercheur devrait se sentir appuyé dans son travail.

S’il va de soi que les CER œuvrent à la protection des participants, il importe aussi de prendre pleinement conscience que leur mandat ne s’y limite pas. Protéger les participants à la recherche, c’est aussi préserver la recherche et les chercheurs.

Stéphane Allaire, Ph.D.
Professeur au Département des sciences de l’éducation
Président du Comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains
Université du Québec à Chicoutimi

 

Rapprocher la recherche et la pratique au bénéfice des élèves

Depuis plus de 20 ans, des chercheurs en éducation de l’UQAC ont choisi de collaborer « avec » les praticiens des établissements éducatifs pour mieux comprendre et développer des pratiques innovantes.

Article du 5 mai dans Le Quotidien.
Par Nicole Monney, Souleymane Barry, Christine Couture, Stéphane Allaire et Catherine Dumoulin